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Selon les chiffres officiels du Comité Olympique International, cinq milliards de personnes ont suivi -peu ou prou- les épreuves de Paris 2024. Combien seront-ils aujourd’hui et dans les semaines qui suivront, à regarder Notre-Dame de Paris nous revenir, plus resplendissante que jamais ? Avec, toutefois, une absence qui sera dans toutes les conversations : celle du Pape François. Écrivain et haut-fonctionnaire, Camille Pascal nous donne les clés de ce refus papal qui vient de loin… très loin.
Demain… Je termine ces quelques lignes à la veille de l’inauguration des travaux de restauration de la Cathédrale, une foule d’officiels se pressera pour admirer des voutes et des piliers d’une blancheur oubliée depuis le Moyen Âge ; mais l’on ne verra pas la soutane blanche du Pape François cheminer péniblement sur les dalles quasi millénaires de la nef. Une absence incomprise qui passera d’autant moins inaperçue qu’avant la fin du mois le Saint-Père honorera de sa présence la cathédrale d’Ajaccio. Cette contre-visite, a évidemment un sens politique profond ; le Vatican n’a rien contre la France mais il garde à l’égard de Notre-Dame de Paris une méfiance instinctive. Contrairement à nos élites politiques profondément déculturées, le Saint-Siège, qui a reçu l’éternité en héritage, n’oublie rien. Ni le bien, ni le mal qu’on lui a fait, un peu comme dans la chanson d’Edith Piaf, et la cathédrale parisienne lui a laissé de cuisants souvenirs.
Pour le comprendre il faut remonter le fil des siècles. Au début du XIV-ème siècle, le roi de France est en conflit ouvert avec le Pape Boniface VIII. Philippe le Bel, héritier de Saint-Louis et détenteur de la Sainte Couronne d’épines, refuse de soumettre sa souveraineté à l’autorité pontificale qui prétend décider des trônes et des couronnes. Le ton monte, le Pape fulmine et agite la menace d’une excommunication qui réduirait le roi de France à devenir un paria dans son propre royaume. En réponse Philippe le Bel en appelle à son Peuple et convoque les premiers Etats généraux qui se réuniront à Notre-Dame. Pour la première fois dans notre Histoire la Nation française se voit représentée. Députés du clergé, de la noblesse et des villes franches convergent vers Paris pour soutenir leur roi contre les prétentions du Saint-Siège et l’Eglise de France prend aussitôt partie pour le capétien contre le romain. C’est la naissance du gallicanisme c’est-à-dire d’une forme d’indépendance de la France à l’égard du Pape de Rome. L’affaire n’en reste pas là car Guillaume de Nogaret envoyé auprès du Pape par le roi Philippe pour lui signifier le résultat de cette première consultation nationale va participer à un véritable coup de main contre Boniface VIII. C’est le fameux attentat d’Anagni qui voit le Saint-Père arraché de son lit par des hommes en armes et giflé publiquement. Le malheureux pontife en mourra de honte et de chagrin.
Cinq siècles plus tard c’est le Pape Pie VII qui se voit presque contraint, pour sauver le Concordat qu’il vient de signer avec Bonaparte, de venir à Notre-Dame de Paris couronner Empereur des Français, celui qui se fera bientôt appeler Napoléon Ier. Là encore l’humiliation est complète, le petit caporal posera lui-même la couronne sur sa tête pour bien signifier qu’il ne la tient pas du Pape mais du Peuple Français et Pie VII finira en résidence surveillée à Fontainebleau.
A chaque fois, Notre Dame de Paris qui n’était à l’origine qu’une cathédrale mineure suffragante de celle de Sens construite par la volonté des capétiens avant d’être érigée en archevêché, grâce à l’obstination des Bourbons, aura incarné l’esprit de désobéissance de la fille aînée de l’Eglise à l’égard du Pape de Rome.
Ces évènements sont vieux de plusieurs siècles mais Le Pape François, lui, n’a pas oublié, malgré l’incendie de Notre Dame de Paris, que cet édifice religieux était aussi un édifice politique construit contre l’autorité qu’il incarne. Il a préféré s’en tenir éloigné…