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Sous le sacerdoce du Révérend Bayrou, le gouvernement de la France survit en soins intensifs prodigués à coup de milliards d’euros, victime doloriste du Grand Décrochage. Dans un pays résolument hermétique à la science économique et à la démographie, il paraît vain d’aligner des chiffres témoignant de ce décrochage face à une Amérique sous stéroïdes. Mais le monde continue de tourner, et comme il tourne plus vite dans le Roller Coaster de Washington, il y a mille façons d’illustrer la dérive des continents.
Image saisissante de Donald Trump le 20 janvier, signant entre la prestation de serment et le bal inaugural, une flopée d’Executive Orders immédiatement mis en œuvre. Signature en public, calligraphie maousse à grands coups de feutres noirs jetés ensuite à la foule qui trépigne. Pendant ce temps-là, la France sociale en cagoule de pénitents se prépare à entrer en Conclave dans une abbaye républicaine. Il s’agit de détricoter un peu plus une mini-réforme qui n’a rien résolu mais qui a jeté le pays dans la rue. Habemus Reformam ?
Que se passait-il au moment où Space X revenait se poser comme une fleur sur son pas de tir ? La France vivait un nouveau psychodrame politico-médiatique autour d’une usine de granulation et de packaging de Doliprane, dont la molécule le paracétamol -dans le domaine public depuis des décennies- est fabriquée en Chine. On se demande aujourd’hui quel fonds américain va racheter la moitié de TikTok pour ne pas laisser aux Chinois le monopole du décervelage de la jeunesse occidentale. Rachida Dati, elle, s’obstine dans la production d’un Jurassic Park avec l’audiovisuel public. Il s’agit de reconstituer avec une précision paléontologique le Mammouth originel dont l’acronyme était ORTF. A vous Cognacq-Jay ! On sent d’ailleurs qu’un vent défaitiste souffle quand un ancien ministre de l’industrie (Roland Lescure , qui fut paraît-il premier ministrable !) emboîte le pas à Sandrine Rousseau pour quitter Twitter. Cela s’appelle le renoncement sous X.
Dès ses premiers jours, Trump expulse des milliers de migrants illégaux par avion militaire vers l’Amérique Centrale. Enthousiaste, un président propose de mettre ses prisons à disposition des États-Unis (non, ce n’est pas Abdelmadjid Tebboune, mais Nayib Bukele, président du Salvador). Car oui, la France, elle, n’est pas capable de faire exécuter ses OQTF. L’Algérie la nargue quotidiennement, se moque de devenir exportatrice nette de racaille : il s’agit de désigner à sa population le bouc-émissaire idéal pour tous les échecs du régime. Alger sait qu’elle peut compter en France sur les chantres de la rente mémorielle comme Benjamin Stora, et sur une gauche finalement plus proche de Tebboune que d’un écrivain embastillé.
Trump veut en finir avec le Droit du Sol et s’attaque frontalement au XIV ème Amendement (ce n’est pas gagné !). Ici on palabre depuis des années sur ce droit à Mayotte, devenue la première maternité de France grâce aux Comoréens.
Obama et Biden se sont promis de fermer Guantanamo désormais déserté. Ils ont eu 12 ans pour le faire, ils ne l’ont pas fait. Trump promet de s’en servir (c’est plus facile) et il le fera pour parquer les migrants illégaux avant expulsion. Il fallait voir sur les chaînes américaines l’annonce de Guantanamo « revisited » par la nouvelle Secrétaire à la Sécurité Intérieure, la sémillante Kristi Noem, chapeau de cow girl made in South Dakota, bouclettes et maquillage Grammy Awards ! (Nous, on a Retailleau).
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Les entreprises américaines vont une nouvelle fois bénéficier d’une baisse de l’impôt sur leurs bénéfices. Entre rodomontades et brutalité, Trump se lance dans une guerre tarifaire contre ses voisins et vassaux. Capitalisme autoritaire et féodal dans un monde hobbesien, décrit par David Cayla ici dans Sans Doute.
La France devance l’appel et va sur-taxer elle même ses propres entreprises. On a même envisagé un impôt sur le trafic aérien. On n’est jamais mieux desservi que par soi-même. Surtout quand les deux tiers de l’Assemblée élue par les Français communient dans ce masochisme hard core.
Trump met fin au wokisme d’Etat.
Les directives DEI (Diversity Equity Inclusion) sont révoquées dans les entreprises publiques. Le privé commence à suivre.
Il n’y a pas si longtemps, Delphine Ernotte faisait l’aveu contraire, affirmant que France Télévisions voulait « représenter la France telle qu’on voudrait qu’elle soit ». Mélenchon parle plus abruptement d’une Nouvelle France créolisée. Les entreprises de l’audiovisuel public ne l’on pas attendu pour rédiger leur communication interne dans le volapuk inclusif.
Dans la foulée Trump annonce le retour exclusif à deux genres. Du coup Libération fait une Une sur Trans Lives Matter (et quitte X : le compte est bon).
L’Amérique a désormais un Doge (Department Of Government Efficiency) piloté par Elon Musk. Le but est de se séparer de centaines de milliers de fonctionnaires fédéraux. Le gros morceau est de supprimer le ministre de l’éducation (Rue de Grenelle, ils hallucinent). Pour veiller aux charrettes qui se préparent, Musk, toujours à la limite du burn-out, campe dans le périmètre de la Maison Blanche, à l’Eisenhower Executive Office Building
— Faut-il réduire le nombre de fonctionnaires en France ?
— « Non, ça c’est des trucs de droite ! » balaye d’un revers l’Insoumise Marine Le Pen. Fermez le ban.
Donc pas de DOGE en France, mais on a un Gosplan. Avant d’entrer à Matignon, François Bayrou était Haut-Commissaire au Plan. Il paraît qu’il a fait merveille (on a dû rater un épisode). Sinon on a aussi une CNDP, Commission Nationale du Débat Public, et même une ANGDM, Agence Nationale pour la Garantie des Droits des Mineurs (NDLC : il n’y a plus de mines de charbon en France depuis 20 ans). En stage chez nous, Musk se régalerait.
D’un pays l’autre, il nous reste ceux qui entreprennent.
Bien sûr il existe une autre France. Celle des entrepreneurs par exemple. Safran vient de réussir une première mondiale : construire un moteur d’avion tout électrique, désormais certifié. Bernard Arnault était le seul français présent sous le dais lors de l’inauguration à Washington. Mauvaise pioche : les journalistes français détestent les milliardaires. Surtout les quotidiens de gauche qui vivent à leurs crochets.
Entendons-nous bien : il n’est pas question ici de sanctifier le chemin pris par l’Amérique sous la conduite d’un milliardaire sociopathe (ce promoteur immobilier qui rêve d’une French Riviera à Gaza ! ) et d’un oligarque sud-africain, génial et dérangé limite Asperger. Il s’agit d’évaluer ce qu’est aujourd’hui la promesse politique. Ce que l’opinion fascinée retient, c’est le retour du volontarisme politique. Trump est un démagogue qui tient ses promesses. Pour le meilleur et pour le pire, au risque d’un régime illibéral et d’un certain nombre de dingueries. Le système français, plombé par une classe politico-médiatique à bout de souffle, n’en tient plus guère. Ce qui engendre, chez une population zappant frénétiquement sur les chaînes infos qui attisent les braises, un autre décrochage : la perte de foi dans la Démocratie Représentative.
Désaffection qui atteint le sommet de la pyramide politique ; la presse n’a guère prêté attention à Nicolas Sarkozy conférencier à sa sortie de l’Élysée. C’était en 2018 à Abou Dhabi. Sarkozy fait d’entrée l’éloge des hommes forts : Poutine, Xi Jinping et bien sûr les régionaux de l’étape, MBZ, prince des Émirats et MBS prince héritier d’Arabie. D’authentiques démocrates ! MBS est connu aux États-Unis sous le sobriquet de Mohammad Bone Saw, pour avoir fait découper en morceaux le journaliste Khashoggi dans le consulat séoudien d’Istanbul.
Et Sarkozy de développer : « Les démocraties détruisent les leaderships (…) Chaque heure y est utilisée, sur les réseaux sociaux ou ailleurs, pour détruire celui qui est en place. Comment voulez-vous avoir une vision de long terme ? Aujourd’hui, les grands leaders du monde sont issus de pays qui ne sont pas de grandes démocraties (…) Le président Xi considère que deux mandats de cinq ans, ce n’est pas assez. Il a raison ! « . Ensuite Sarkozy dévisse : » Y-a-t-il un risque que la Russie envahisse d’autres pays ? Je n’y crois pas. » Mais, venu d’un président, le fond du propos interpelle.