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Séisme démocratique * ?, titrait Le Figaro en ce premier avril, décidément prédestiné ! Séisme politique, coup de tonnerre ou coup de théâtre ? … Voire une « bombe nucléaire ». Dictature des juges ou État de droit ? … « Sidération » … Pas déjà un coup d’État ! … Mais attention, on ne sait jamais.
La tension est palpable, la démocratie ne sait plus où elle habite, les éditions spéciales des chaines d’information en continu se déchainent. Les « sachants » s’y précipitent. Quel drame se joue-t-il donc ? L’indépendance de la justice est malmenée. Que penser d’une candidate à la charge suprême d’une institution dont elle conteste les rouages ? Convaincue par ailleurs de fraude envers les règles européennes, l’héritière légitime de l’entreprise familiale privée de son destin, qu’elle confond allègrement avec celui de son organisation. Jordan Bardella, le présumé dauphin, louvoie tandis que le sniper Jean-Philippe Tanguy aboie dans les rangs de l’Assemblée nationale. Il apparaît pourtant que le Rassemblement National soi-même ne chute pas dans les sondages. Les postures et les idées semblent tenir la rampe. N’est-ce pas l’essentiel pour ce parti? Les citoyens ébaubis, peut être futurs électeurs, bien peu choqués au fond par le verdict prétendu assassin, sont perdus, ou pire, quasiment radicalisés, engoncés dans leurs certitudes. Montesquieu et Voltaire s’en entretiennent utilement.
Entre autres ondes de choc et séismes, peut-on dissoudre dans les péripéties juridiques domestiques le sort de milliers de personnes disparues en Asie du Sud-est ? A Mandalay, la deuxième ville de Birmanie, des immeubles se sont écrasés en deux minutes sous l’intensité du séisme : 7,7 sur la funeste échelle de Richter. Dans la campagne, des habitations précaires ont été détruites. Près de 3000 disparus et plus de 3500 blessés, selon les décomptes d’une junte impuissante et dépassée. En Thaïlande, 18 personnes au moins ont perdu la vie dans l’effondrement d’une tour de 30 étages en construction. On cherche inlassablement, avec les moyens du bord, les survivants sous les décombres.
Un autre séisme de magnitude 7,1 a frappé dans la foulée les îles Tonga. On a craint un tsunami.
La Terre se rebellerait-elle ?
Des laves d’Islande aux landes d’Amsterdam
De Santa Barbara aux neiges de l’Etna
Les terres s’enflamment
Au-delà des brasiers les grands glaciers se brisent
Les océans s’épuisent
Les plus petits ruisseaux s’égarent dans les plaines
Les hommes se bagarrent
Les haines se déchainent, et les folies humaines
Font pleurer les baleines
Dansons,
Dansons jusqu’ au matin un tango argentin
La salsa brésilienne ou les valses de Vienne
Un dernier french cancan
Dansons
La Terre danse sur un volcan

Pendant ce temps, le vingtième siècle n’en finit pas de s’éteindre, il serait temps. Le Pape François, ressuscité de peu, officiera-t-il pour Pâques ? Eddy Mitchell se remettra-t-il à temps pour reprendre sa dernière tournée ? Le roi Charles III vaincra-t-il les effets secondaires dus au traitement de son cancer pour savourer pleinement son récent couronnement ?
Ces questions se posent à la terrasse enfin « printanisée » du bistrot du village. Un sympathique rayon de soleil réchauffe le café du matin et les commentaires du jour. Les arbres libérés de leur mousse rosâtre accueillent de timides premiers bourgeons pour vêtir leurs gris squelettes hivernaux. Les camellias fleuris depuis quelques jours résistent et cèdent peu à peu leurs places aux azalées. Les jardins se colorent de crocus, de jonquilles, de tulipes et de primevères. Les rosiers prennent leur élan, les glycines et les lilas attendent leur heure maintenant prochaine.
On y déplore évidemment les faits divers nationaux, en particulier l’épidémie récurrente d’attaques au couteau intempestives, régulièrement relatée par une presse qui inquiète. Le monde va-t-il perdre la tête ? Nous n’en sommes pas là encore chez nous ! Va savoir ?
Après tout, nos anciens avaient tous un couteau dans leur poche. Ils déployaient leur Opinel en se mettant à table et coupaient leur quignon de pain. Ils sortaient leur Laguiole pour tailler et émonder une branche de noisetier. Il était leur complice quand ils partaient à la chasse dans les futaies ou quand ils allaient taquiner la truite ou le gougeon, dans les ruisseaux fuyants entre les prairies. Ils n’imaginaient pas s’en servir dans une modeste rixe locale. Énervés à la sortie du bal, une jolie torgnole suffisait. Et tout allait bien.
Cela évoqué, on enregistre quelques vraies bonnes nouvelles : le prix du « broutard », ce bovin mâle de quelques dix mois, engraissés en Italie ou en Espagne, s ‘envole. En quatre ans, il a presque doublé. Du jamais vu. Mais la pénurie menace, et les heureux éleveurs craignent la mainmise d’industriels moins scrupuleux. Sans compter avec l’inflation sur les investissements à envisager pour satisfaire la demande.
Décidément, on n’est jamais content. A quand le prochain séisme ?